Des êtres de très haute présence
par Christian Noorbergen - 2019
D'une délicatesse nuageuse, chaotique, tragique et sombre, Isabelle Malmezat libère les enveloppes d'âme qui s'agitent au fond des
espaces de la peau. "C'est dans les choses fragiles et blessées que je me sens le mieux. J'ai besoin de la faille. J'ai besoin de perdition
pour peindre". Chaque blessure détruit la limite de l'enfermement, s'ouvre à l'altérité qui fait vivre. Les contours s'effilochent comme des
cicatrices de vent, et des créatures sans assise flottent telles des algues de chair. Leur non-corps est une table sublime dans l'étendue évidée.
Exorcisme de la création. Les figures en esquisses d'Isabelle Malmezat, parfois proches d'une écriture sauvage de la défiguration,
ne viennent pas du dehors mais du tréfonds d'un insondable mystérieusement habité. Elles tréssaillent dans la nuit. Etranges étrangers
toujours en précarité, ces presque vivants sont toujours à ses côtés. Faits de poussières d'âmes et d'errance éternelle, ils s'abandonnent
à l'infini de leurs manques. Leur état est lacunaire, infime et partiel. Êtres précaires sans mémoire, sans source et sans structure, ils peuvent
naître et renaître des milliers de fois. Ils sont cependant de très haute présence. Ils flottent sur leur détresse. Traversant tous les lieux des
grandes blessures du monde, ils sont sans lieu. Vierges de tout passé, ces êtres d'abandon n'ont pas la hantise de l'accomplissement.
Ils surgissent en dure transparence et ne font que passer. "L'homme est loin de lui-même", dit-elle. C.N







Le tumulte du monde
par Ludovic Duhamel - 2019
Le tumulte du monde est à fleur de toile. Comme une écume recouvrant d'une trace légère et persistante chacun des thèmes abordés par Isabelle Malmezat,
son écho se confond avec la matière même de cette peinture, on ne saurait l'en dissocier. Aussi on ne s'étonnera pas de retrouver dans ces huiles les
soubresauts d'une époque qui brille  par les incertitudes qu'elle engendre et les tragédies qui lui collent aux basques.
La première, peut-être, mais qu'importe, Isabelle Malmezat a donné corps au drame sans nom enduré par les hommes et les femmes qui traversent l'océan
sur des bateaux de fortune, à la merci de la moindre avanie, de la moindre vague scélérate. Elle ne l'a pas peint, ce drame, comme d'autres représentent les malheurs
du monde, en tâchant de faire joli. Non, elle l'a peint avec son sang, parce que, comme tout artiste qui se respecte, elle n'a de cesse de coller au plus près de la vérité.
Vérité tragique et impitoyable que l'imagination peine à entrevoir, mais que les toiles d'Isabelle Malmezat nous aident à saisir dans son essence même.
La peinture d'Isabelle Malmezat n'est pas une peinture facile, j'entends par là qu'elle ne cherche pas à plaire, mais avant tout à exprimer la substance même d'un
univers intérieur chaviré par les échos impétueux et les assauts d'un monde contemporain où le pire côtoie le meilleur. 
Par une palette resserrée, parfois presque monochrome, une matière réduite à un simple jus, elle parvient à s'approcher au plus près des réalités humaines, jouant
de la poésie comme d'autres du surligneur. L'humain, toujours, est au coeur de ses préoccupations...
Si elle fut un temps attirée par une forme d'abstraction lyrique et si l'on peut dire que sa figuration demeure suggestive et fuit le réalisme, Isabelle Malmezat laisse
désormais sourdre dans ses toiles une vision du monde qui ne prend pas de gants pour exprimer l'indicible. 
Elle suit les chemins glorieux de ces grands artistes, de Music à Rustin, qui ont couché sur la toile une figuration forte, sans se soucier de ce que leurs
contemporains en auraient peut-être, pour certains, mal aux yeux ... L.D







 

 

 

Mon travail est une exploration intérieure qui cherche à découvrir ce que garde notre mémoire, traces de vie, souvenirs, fêlures infimes, frissons, impressions diffuses dans un univers de rythmes, de contrastes, de lumière et d'ombres.
Rien n'y est vraiment révélé, il appartient à chacun d'y trouver sa propre lecture.
Faire ressurgir ce que l'être a de plus lointain en lui. Se perdre pour retrouver l'essentiel qui nous constitue.
Images furtives, intemporelles ou éphémères, découvertes ou recherchées, imaginées peut-être…
On y devine des éléments marins parfois, aériens ou terrestres, on y effleure le minéral.

La matière y est présente, les éléments graphiques et plastiques utilisés deviennent traces, formes et reliefs…
Les traces humaines. La terre et sa force. La terre et sa fragilité.
L'humain avec ses errances, ses souffrances, ses interrogations, ses incompréhensions.
Ce que deviennent nos blessures.. où vont-elles se protéger, dans quelle mémoire… dans quelle solitude …
Ce que l'on fait de notre vie.
Ce que la vie nous fait.

Isabelle Malmezat